Le Colosse aux pieds d'argile à La Réunion: contre les violences sexuelles dans le sport

Photo de famille du monde sportif local

Plusieurs responsables de comités ou de ligues de sport de l'île ainsi que plusieurs sportifs réunionnais étaient présents cette semaine à la Maison Régionale des Sports pour l'officialisation de la mise en place de l'antenne locale de cette association qui a pour mission la sensibilisation et la prévention aux risques de pédocriminalité et de bizutage en milieu sportif, la formation des éducateurs ainsi que l’accompagnement et l’aide aux victimes.

Sébastien Boueilh, directeur-fondateur de l'association, est intervenu par visio lors de cette conférence de presse, et il a confirmé que la démarche n'a pas été facile: "Le pouvoir libérateur de mon témoignage, en tant qu’ancien rugbyman victime de viols et désormais résilient, donne du courage à toutes les victimes murées dans le silence et rongées par la culpabilité. Il est grand temps que la honte change de camp. Nous ne sommes pas là pour faire la chasse aux sorcières mais pour assurer la protection des enfants aussi bien que celle des éducateurs parce qu’il y a des silences qui n’ont plus lieu d’être dans le sport!"

Sébastien Boueilh, directeur-fondateur de l'association Colosse aux pieds d'argile

Libérer la parole avant tout

En Europe, un enfant sur cinq est victime de violences sexuelles, et en France 165 000 jeunes subissent des agressions de ce type chaque année. Pour contribuer à la lutte contre ce fléau, Colosse aux pieds d’argile a présenté au Ministère des Sports, en novembre 2018, une proposition de loi. Celle-ci vise à contrôler et filtrer les bénévoles du mouvement sportif, déjà condamnés pour des agressions sexuelles sans se limiter aux salariés des clubs.

Ces derniers temps, de nombreux témoignages de sportif.ve.s agréssé.e.s violé.e.s sortent enfin du silence. "Il s'agit de libérer la parole, et nous allons intervenir auprès des comités, dans les clubs, les écoles, les lycées,... On sait que c'est difficile d'en parler, le sujet est lourd, on est passé certainement à côté de certaines situations dramatiques, il s'agit d'écouter et de former les éducateurs" explique Christophe Coindevel.

Au niveau national, plus de 80 sportifs sont mobilisés et 4 ambassadeurs (Nathalie Péchalat, Céline Dumerc, Thierry Dussautoir, et notre compatriote Daniel Narcisse) ont été nommés par l'association.

Nicolas Vouillon, Gaël Grimaud, Monique Cathala, Christophe Coindevel et Isabelle Pitarch Chaussalet

Gaël Grimaud parrain local

Localement, Gaël Grimaud, champion de MMA, a accepté d'être le parrain de Colosse aux pieds d'argile: "C'est un honneur pour moi, j'ai dit oui tout de suite. le MMA est un sport qui demande beaucoup de courage, et il faut aussi du courage pour parler des violences sexuelles subies. Il s'agit d'insuffler la prise de parole chez les enfants et de former les éducateurs à tous les niveaux" dit-il.

Isabelle Pitarch Chaussalet, ancienne nageuse et membre du Conseil d’administration de l'association, a aussi témoigné des abus sexuels qu'elle a subis il y a une trentaine d'années: "Il faut libérer la parole pour protéger les enfants. Même si on a été victime on peut s'en sortir" dit-elle.

Isabelle a aussi rappelé qu’1€ donné à l’association, c’est 3 enfants sensibilisés, et que n'importe qui peut adhérer à l'association (10€ par an pour un particulier), en allant sur le site www.colosseauxpiedsd'argile.org.

Une autre sportive, ex-handballeuse, Nicole Givran, a profité de cette conférence pour pousser un coup de gueule: "Le harcèlement et les abus sexuels dans le sport ne datent pas d'aujourd'hui, à notre époque aussi il y en avait, certains savaient, mais rien n'était fait. Il faut que ça change" a -t-elle crié avec le coeur...

Christophe Coindevel, intervenant local de Colosse aux pieds d'argile

Un bureau ouvert à Champ Fleuri

L'association dispose désormais d'un bureau à la Maison Régionale des Sports à Champ Fleuri, et le bail de mise à disposition a été signé entre Monique Cathala, la présidente du CROS (Comité Régional Olympique et Sportif) et Christophe Coindevel. "Tous ensemble, on pourra travailler dans le bon sens" dit Monique Cathala.

Nicolas Vouillon, responsable sport à la DDJS (Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports), a rappelé que le partenariat avec le Ministère des Sports a été décliné à La Réunion: "Nous participons financièrement à une aide à l'emploi pour l'association et à un crédit pour son fonctionnement. Nous devons tous porter un message de prévention dans le milieu sportif".

Nicolas Vouillon a aussi confirmé que des signalements locaux ont été effectués, et que, pour l'instant, une mesure a été prise à l'encontre d'un éducateur sportif. "Nous devons informer, sensibiliser et former".

Gaël Grimaud, Christophe Coindevel, Monique Cathala, et Nicolas Vouillon

Sarah Abitbol a ouvert la voie

Les violences sexuelles, le bizutage et le harcèlement dans le domaine du sport en général étaient un sujet tabou, mais on constate que les choses évoluent depuis le témoignage de la patineuse Sarah Abitbol, abusée sexuellement. Les témoignages, les signalements et les plaintes affluent. En novembre, le Ministère des Sports faisait état de 313 signalements concernant 80 fédérations! Le combat contre ce fléau est noble et justifie d'être soutenu.

Pour terminer cet article, reprenons une phrase de l'association Colosse aux pieds d'argile qui résume parfaitement son action: "Beaucoup d’associations donnent le sourire aux enfants, la nôtre évite qu’ils pleurent en silence et se détruisent un jour"...

Texte et photos Aziz Patel